Dans la petite ville de Montclair-sur-Lys, nichée entre champs et forêts, se trouve l'EHPAD "Les Jardins de la Paix". Cet établissement, connu pour la qualité de ses soins et la bienveillance de son personnel, hébergeait une soixantaine de résidents, souvent très âgés et souffrant de diverses pathologies, parfois complexes à gérer. Chaque jour, l'équipe soignante se démenait pour offrir le meilleur à ces aînés, mais les défis étaient nombreux.

Au fil des années, le personnel de l'EHPAD, composé d'aides-soignants, d'infirmiers, et d'animateurs, avait souvent partagé des moments difficiles. La mort d'un résident, la détresse d'une famille, ou la gestion des crises de certains patients atteints de troubles cognitifs étaient devenues des situations récurrentes et émotionnellement lourdes.

Un matin de novembre, la directrice, Madame Lefèvre, réunit toute l'équipe pour annoncer une nouvelle initiative : la mise en place de séances d'analyse des pratiques professionnelles . Elle explique que ces séances permettront à chacun de prendre du recul sur son travail, de partager ses ressentis et d'apprendre à mieux gérer les situations délicates.

Les premières séances

C'est ainsi que débuta le premier atelier. Un consultant externe, monsieur FANTOU, formateur spécialisé en gestion des émotions et en analyse de pratiques, fut invité pour animer les rencontres.

Lors de la première séance, une dizaine de professionnels se retrouva dans une salle de réunion, tous un peu hésitants. Camille, aide-soignante depuis cinq ans, prend la parole timidement : « Parfois, je me sens démunie. Il y a des moments où je ne sais pas si je fais ce qu'il faut. »

Tous acquiescèrent. Ils partageaient les mêmes doutes. Monsieur FANTOU leur demanda alors de penser à une situation vécue récemment qui les avait marquées.

Léa, une jeune infirmière, prend un moment de réflexion puis se lance. Elle raconte une situation difficile avec une patiente, Madame Martin, atteinte d'Alzheimer. « Elle refuse souvent de manger et, l'autre jour, elle s'est énervée violemment contre moi. J'ai perdu patience. Je sais que ce n'était pas bien, mais sur le moment, je n'ai pas su faire autrement. »

Monsieur FANTOU invite le groupe à réfléchir sur cette situation. Chaque membre de l'équipe exprime son ressenti. Thomas, l'animateur, a ajouté : « On veut bien faire, mais parfois on s'épuise émotionnellement. J'ai aussi du mal à savoir jusqu'où je peux aller avec certains résidents. »

Peu à peu, la parole se libère. Chacun partage ses difficultés, ses frustrations, mais aussi ses petites victoires. Le consultant guide les échanges pour que personne ne se sente jugé, et propose des outils pour mieux comprendre leurs réactions face aux situations stressantes.

La force du collectif

Au fur et à mesure des séances, les professionnels apprennent à décortiquer leurs pratiques. Ils prenaient du recul sur leurs actes, échangeaient des astuces et développaient des stratégies collectives. Cela leur permettait non seulement de mieux comprendre leurs propres limites, mais aussi celles des autres membres de l'équipe.

Un jour, Paul, aide-soignant, parle d'une situation où il avait ressenti une profonde impuissance. Il s'agissait de Madame Dupuis, une résidente très fragile, en fin de vie. Il ne savait pas comment réagir face à la détresse de la famille, qui exigeait des réponses qu'il ne pouvait pas donner. En discutant avec ses collègues, il réalisa qu'il n'était pas seul à vivre cela. Ensemble, ils réfléchissaient à des façons de mieux soutenir les familles tout en se préservant.

L'analyse de pratiques leur permet de comprendre que le travail en équipe était essentiel, surtout dans les moments de crise. Ils découvrent l'importance de se soutenir mutuellement et de ne pas garder pour eux des émotions trop lourdes.

Les bienfaits sur le long terme

Après plusieurs mois de séances, l'ambiance au sein de l'EHPAD changea. Les soignants se sentaient moins isolés dans leurs responsabilités. Grâce à ces moments de partage, chacun se sentait écouté et compris. La gestion du stress, des émotions et des moments difficiles devint plus fluide, et les relations entre collègues se renforcèrent.

Madame Lefèvre, la directrice, remarque également une évolution dans le bien-être des résidents. Le personnel, plus serein et confiant, était davantage en mesure de gérer les situations avec calme et professionnalisme. Les séances d'analyse des pratiques devinrent un rendez-vous attendu, un espace où chacun pouvait s'exprimer librement et progresser dans sa manière de travailler.